26 septembre 2020

GUILLAUME ARBOUCH - Episode 2 - Une entrée dans l'âge adulte marquée par des deuils et la guerre

 Un clan familial connu par Guillaume 

Guillaume Arbouch, né en 1852, connaît ses grands-parents paternels et maternels qui décèdent entre 1858 et 1864 (donc entre sa sixième et sa douzième année). 

 

Les parents et grands-parents de Guillaume Arbouch
 

L’absence de recensements pour  cette époque ne permet pas de savoir s’il vit près de ses grands-parents mais tous habitent Bagnères-de-Luchon.

Ses oncles et tantes, tant paternels que maternels, sont également domiciliés à Bagnères-de-Luchon ou aux environs (Saint-Mamet…).        
Sauf son homonyme, Guillaume Arbouch, sellier de profession, qui a migré, à 27 ans, en 1838, à La Havane (Cuba) comme l’atteste son passeport 

(source : Registres des passeports délivrés au départ de Bordeaux pour toutes destinations par terre et par mer. Relevés par les Amitiés Généalogiques Bordelaises aux Archives Départementales de Gironde) 

  

Cet oncle paternel est toutefois décédé (« dans la maison du Sieur Fontan Bertrand ») et enterré à Bagnères-de-Luchon, en 1864. (Source : registres d’état civil de la commune de Bagnères-de-Luchon, AD31). 

 

 1870 - "L'année terrible" 



1870 est une année marquante dans la vie de Guillaume Arbouch, alors âgé de 18 ans

« L’année terrible » comme l’a nommée Victor Hugo dans son recueil de poèmes publié en 1872.

 

  • Le 21 juin, sa sœur Marie décède à l’âge de 20 ans dans la maison de Pierre Dusastre, sise quartier du Pont de Saint-Mamet à Bagnères-de-Luchon. 

Son acte de décès la mentionne sans profession et célibataire. (Source : registres d’état civil de la commune de Bagnères-de-Luchon, AD31).

 

Si je ne vous vois pas comme une belle femme
Marcher, vous bien porter,
Rire, et si vous semblez être une petite âme
Qui ne veut pas rester,

Je croirai qu’en ce monde où le suaire au lange
Parfois peut confiner,
Vous venez pour partir, et que vous êtes l’ange
Chargé de m’emmener. 
(extrait de L'Année terrible/A l'enfant malade pendant le siège)

  •  Le 19 juillet, en plein été caniculaire, l’Empire Français déclare la guerre au Royaume de Prusse.

 

(Source : Gallica - ark:/12148/bpt6k5529865n)

 

Mais Guillaume n’est pas mobilisé car il n’a pas 21 ans.    
 

Son frère Simon, a eu 22 ans quatre jours plus tôt. Tailleur d’habits comme son grand-père paternel dont il porte aussi le prénom, Simon n’a vraisemblablement pas été appelé. 

Son registre matricule indique que le Conseil de Révision l’a exempté pour goitre volumineux.

(Source : registres matricules, AD31).

  • Le 04 septembre, après la défaite de Sedan et la capitulation de l’Empereur Napoléon III, le Second Empire se termine et la République Française est proclamée (Troisième République).

 

Affiche du 4 septembre 1870 relative à la proclamation, à Paris, de la IIIe République. (Bibliothèque nationale de France, Paris.)

  • Le 21 septembre, le père de Guillaume, Pierre Arbouch, carrier, décède à l’âge de 50 ans, dans la maison Dusastre, sise quartier du Pont de Saint-Mamet, à Bagnères-de-Luchon.

 Quelles sont les causes du décès de sa sœur et de son père, morts à 3 mois d’intervalle jour pour jour ? 

Je n’ai aucune information à ce sujet et ne peux qu’émettre des hypothèses…

Certes l’été 1870 est caniculaire avec 38°C à Toulouse. 

Mais surtout, une épidémie de variole sévit en France et elle s’est étendue à tout le territoire (4200 morts à Paris entre décembre 1869 et juillet 1870). Toulouse a également été touchée.

(Source : Jorland Gérard, « La variole et la guerre de 1870 »)

 

Guilhaumette, la mère de Guillaume se retrouve veuve à 49 ans. 

Elle ne se remariera pas et mourra en 1913, à l’âge de 92 ans. 

 Jeanne, la soeur de Guillaume, a 16 ans et leur petit frère Pierre-Jean à peine 8 ans. 

 Après le mariage de son frère Simon, en novembre 1871, Guillaume Arbouch devient soutien de famille. 

 

 Un métier "crève-corps" : scieur de long 

En 1872, à 20 ans, Guillaume Arbouch est scieur de long.

Le vieux dicton : « Les scieurs de long ne vont pas en enfer, car ils l'ont vécu sur terre » révèle à quel point ce métier est dur.

Etre scieur de long, c’est débiter des grumes de bois dans le sens du fil pour en sortir des planches, plateaux, poutres, voliges, chevrons, limonières pour charrons et traverses de chemin de fer….

L’outillage est composé de scies, haches et d’un chevalet de bois appelé chèvre ou mouton

 

 

Un travail d’équipe d’au moins deux hommes mais l’équipe type en compte trois :

  • le chevrier, nommé aussi singe, debout en équilibre sur la bille, un pied l'un derrière l'autre, tient le mancheron d'une scie de 1,60 à 1,80 m de haut, dont le cadre à écartement variable peut atteindre 80 cm de largeur. Il est chargé de remonter la scie
  • le renard (ou renardier) tire la scie vers le bas en se servant du poids de son corps
  • le doleur équarrit les troncs à la hache et dirige le chantier s’il y a plusieurs équipes de scieurs.

 

 

AD31 - S.-O. (9e série).

73. Deux scieurs de long

[photographie Henri Jansou (1874-1966)]

Toulouse : phototypie Labouche frères,

[entre 1905 et 1925]

Un métier rude, « crève-corps » exercé pendant douze à seize heures par jour, dehors, par tous les temps avec des risques : équilibre précaire pour le chevrier, les yeux continuellement agressés par la poussière de bois pour le renard malgré son chapeau de feutre à larges bords. 

 



  

Guillaume exerce ce métier durant toute sa vie active.  
Le recensement de 1901 mentionne qu’il est au chômage (situation d'un salarié travaillant en temps normal pour un employeur et qui se trouve momentanément sans «ouvrage» - sans emploi - en raison des difficultés économiques rencontrées par son employeur). Guillaume est alors âgé de 49 ans.         
Guillaume devient ensuite patron comme le soulignent les recensements de 1906 et 1911.

Le recensement de 1921 indique qu'il est encore scieur de long. Guillaume a alors 69 ans.

(Sources : recensements de la commune de Bagnères-de-Luchon, AD31)





21 septembre 2020

1761 - Estancarbon (Haute-Garonne) - Un mois d'août marqué par les attaques du loup

Bien que négligeables par rapport au reste de la mortalité sous l'Ancien Régime, les attaques du loup font l'objet d'un éclairage particulier dans les actes de décès.

Elles ont eu une influence sur l'imaginaire collectif, nourrissant la peur du loup, à travers chansons, livres, dessins... 

Les curés en relatent souvent les attaques.

Le Curé Bourdages d'Estancardon, en Haute-Garonne, recense les décès liés au loup, à Pointis-Inard, Villeneuve-de-Rivière, Beauchalot et Aulon, en ce mois d'août 1761 :

AD 31 - Estancarbon 1 E 1 - BMS 1718-1793 - img 130

"Le 2 août un loup dévora une jeune bergère
à Pointis Inard. On ne trouva que le
crane après neuf jours de recherches, une
autre fut égorgée dans la plaine de Ville-
neuve de Rivière. Le 12 un berger
éprouvé le même malheur à Beauchalot.
Le 14 du dit mois ces trois personnes périrent
sur le soir en gardant le bétail. Elles
étaient âgées d'environ 14 ans. une métayerent
âgée de 40 ans périt de même à Aulon. le matin du
16 du dit mois en 1761. Comme ces malheurs
étaient sans exemple les alarmes le furent aussi"

Mon arbre de vie sur 5 générations - Création déposée à l'INPI

Mon arbre généalogique sur 5 générations, 
réalisé sur un fronton "arbre de vie " métallique de 95 cm de diamètre

12 août 2020

GUILLAUME ARBOUCH - Episode 1 - Une enfance à Bagnères-de-Luchon sous le Second Empire

Guillaume ARBOUCH naît à Bagnères-de-Luchon, en Haute-Garonne, en 1852 et décède dans cette même ville en 1932

Un arrière-grand-père paternel dont je ne connaissais que prénom et nom. Je le découvre via mes recherches généalogiques. 

 

Bagnères-de-Luchon, sa ville natale 

Guillaume Arbouch est né et a passé toute son enfance à Bagnères-de-Luchon, dans les Pyrénées, au pied de la montagne et près du confluent de la Pique et de l’One. 

 

Bagnères-de-Luchon - Carte frontière du département de Haute-Garonne – Antoine Bartro (1842) (source : Gallica)

 

Bagnères-de-Luchon est une ville au passé riche historiquement dont la présence de population est attestée depuis le néolithique (Grotte de Saint-Mamet). 

Ses eaux thermales sont déjà exploitées par les Romains et les somptueux thermes sont connus sous le nom de Thermes onésiens. Ils sont fréquentés par une élite de l'antique Rome. Les eaux thermales de Luchon appelées Aquae  Onasioe ou Aquae Convenarum, jouissent d'une grande renommée.

Au fil des siècles, Bagnères-de-Luchon vit bien des tragédies : 

  • invasion des Barbares dans les premières années du V° siècle ; 
  • puis vint la domination des Visigoths, suivie de celle des Francs et les invasions des Sarrazins ;
  • incendiée vers l'année 1480 ;
  • ravagée en 1711 par un corps d’armée de Charles d’Autriche ; 
  • pillée et détruite en 1719 par le passage des miquelets venus du Val d’Aran ; 
  • détruite par un violent incendie qui n'épargna que son église en octobre 1723 ;  (source : Bagnères-de-Luchon et son canton – H. Gadeau de Kerville)

Mais le XVIIIe siècle marque la renaissance des thermes luchonnais. 

En 1759, le baron Antoine Mégret d'Étigny, intendant de Gascogne, est envoyé à Luchon. 

Il commence par créer une route carrossable, à coups de corvées et d'expropriations. Il est obligé de faire appel à la troupe pour tenir la population en respect. 

En 1761, il réorganise les thermes et leur donne les bases de leur futur essor. 

Pour lancer la station, l’intendant d’Étigny, persuade le gouverneur de la province, le Maréchal de RICHELIEU, petit neveu du Cardinal, de faire une cure à Luchon en 1763. Le Duc se montre enchanté, les fouilles romaines le ravissent. Il vante les charmes de Luchon à Versailles et revient pour une seconde cure ; la fortune de Luchon est faite. A la Cour, on ne parle que de cette petite bourgade pyrénéenne dont les sources accomplissent des miracles (Source : Mairie de Luchon)

L'exploitation forestière, capitale pour fournir du bois pour la marine et du charbon de bois pour les forges, est également développée.

Le baron d'Étigny meurt en disgrâce, en 1767, à l'âge de 47 ans, à Auch. 

Son successeur donnera son nom aux allées d'Étigny, principale artère de la ville. 

Au cours de l'année 1768, Luchon souffre encore des ravages du feu.

La reconstruction des thermes est décidée mais la Révolution arrête les travaux. 

Après la Révolution, un nouvel établissement thermal est bâti et les thermes comprennent, en 1830, trois établissements : le grand établissement, dit de la Reine (nom d'une des sources), les bains Richard et les bains Ferras

Mais l'importance croissante de la station nécessite la construction d'un nouvel établissement thermal. 

Dessiné par l’architecte Edmond Chambert, l’édifice est construit sur l’emplacement des thermes romains et voit sa première pierre posée le 22 août 1848.

Lors de la naissance de Guillaume Arbouch, le 22 janvier 1852, il est encore en construction.

L’inauguration officielle a lieu le 20 juillet 1857 mais dès 1853, on peut y prendre des bains (source : Bagnères-de-Luchon et son canton – H. Gadeau de Kerville)

En 1852, Bagnères-de-Luchon compte 2770 habitants

Pendant l’enfance de Guillaume, l’importance (et la population) de Bagnères-de-Luchon s’accroît grâce à la vogue des eaux thermales pyrénéennes lancée par l’Impératrice Eugénie et à la redécouverte de la région célébrée dans le « pyrénéisme » par le comte Henry Russell. 

 

Les célébrités que Guillaume aurait pu croiser dans ses jeunes années : Hippolyte Taine (1857), auteur de "Voyage aux Pyrénées", le Prince Impérial, fils de Napoléon III et de l’Impératrice Eugénie (1867), Gustave Flaubert (1872)… 

 

1896 - Etablissement thermal de Luchon - GALUP Amélie (1856 - 1943) © Ministère de la Culture - Médiathèque du Patrimoine, Dist. RMN-Grand Palais / Amélie Galup


Des parents aux conditions de vie modestes 

Au moment de la naissance de Guillaume, ses parents, Pierre Arbouch et Guilhaumete Sanson sont mariés depuis 5 ans et ont déjà un fils, Simon, né en 1848 et une fille, Marie née en 1850

Pierre, comme ses enfants, a vu le jour à Bagnères-de-Luchon tandis que Guilhaumete est née à Saint-Mamet, petit village séparé de Bagnères-de-Luchon par la Pique. 

Deux autres enfants rejoignent la fratrie : Jeanne en 1854 et le petit dernier Pierre-Jean en 1862

Les parents de Guillaume sont certainement de condition assez modeste. 

Son père est mineur, fils d’un tailleur d’habit et d’une ménagère. 

Sa mère, quant à elle, est ménagère, fille d’un brassier et d’une ménagère. (Sources : registres d’état civil de la commune de Bagnères-de-Luchon, AD31) 

 

Une enfance sous le Second Empire 

Guillaume Arbouch est en quelque sorte né avec le Second Empire. 

En effet, il arrive au monde 51 jours après le coup d’état du 2 décembre 1851 de Louis-Napoléon Bonaparte, alors président de la République Française depuis 3 ans. 

 

Le 2 décembre 1852, date anniversaire du sacre de Napoléon Ier, de la victoire d’Austerlitz et de son coup d’état, le président Louis-Napoléon Bonaparte proclame le Second Empire. Il devient ainsi Empereur des Français sous le nom de Napoléon III

 

L’Empereur Napoléon III

1852-1870 

Le Second Empire est une période de modernisation économique, sociale, financière et urbanistique de la France :

  • révolution des transports (création de 6 grandes compagnies ferroviaires), 
  • grands travaux (Paris par le Baron Haussmann), 
  • développement du système bancaire (chèques, billets de banque) comptent parmi les plus grandes réalisations de cette époque. 
 
 
 
A Bagnères-de-Luchon, sous l’impulsion du Maire Charles Tron, est entrepris un véritable plan d’urbanisme sur le modèle parisien : ouverture de la « route d’Espagne » par le col du Gières (1858). 
 

Charles, Laurens Tron  © Assemblée nationale

De superbes maisons sont construites : 
 
 
Mais mon arrière-grand-père est certainement plus intéressé par les échos des fêtes brillantes qui se succèdent tout au long des saisons : le soir, la musique des bals et des orchestres résonnent dans la ville. La journée, c’est un défilé de toilettes élégantes. (Sources : Voyage aux Pyrénées (3e édition) / par H. Taine – Gallica)