07 février 2021
Dans l'enfer de Dora, André SCHEIDECKER, mort pour la France à 22 ans, en 1944
D'autres certainement"
Le tunnel de Dora |
Mon cher André,
Ce 5 février, est un bien triste anniversaire... celui de ton tragique décès, en 1944, dans ce camp de la mort ou plutôt, devrais-je dire, dans cette usine de mort, le sinistrement célèbre TUNNEL DE DORA !
Tu es le cousin de ma mère, côté Scheidecker, un cousin qu'elle n'a malheureusement pas connu de par son placement à l'assistance publique.
Mais commençons par le début.
Tu es né français, un jeudi, le 21 avril 1921, à DIEUZE dans le sud du département de la Moselle, 1er enfant d'Emile Eugène SCHEIDECKER et de Marie-Henriette FREMY, mariés depuis le 06 mai 1919.
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André Jean SCHEIDECKER au sein de sa famille |
De ton enfance, je ne sais pas grand chose.
Le registre matricule militaire de ton père mentionne un autre enfant né le 24 juin 1927 mais je n'en ai retrouvé aucune trace, à ce jour.
Pour la petite histoire, j'ai trouvé, lors de mes recherches généalogiques, un Jean-Nicolas SCHEIDECKER né le 24 juin 1928 mais c'était un de tes cousins au 5ème degré. J'avais espéré une erreur d'inscription sur le registre paternel... mais comme on dit, j'ai fait chou blanc.
Je te retrouve, prénommé Andreas, en 1943, à SARREBOURG, à une trentaine de kilomètres de ta ville natale.
Tu vis désormais sur cette terre mosellane à nouveau annexée par l'Allemagne depuis juillet 1940.
Électricien de métier, tu as été recruté comme auxiliaire au sein de cette récente Société Nationale des Chemins de Fer Français (SNCF) qui a remplacé, depuis le 1er janvier 1938, les deux réseaux ferroviaires d'Etat et les compagnies privées.
Il faut dire que les Chemins de fer, c'est vraiment une histoire de famille chez les SCHEIDECKER puisque ton père Emile, ton oncle Nicolas Eugène dit "Eugène" et ton grand-père Jean-Nicolas travaillaient aux Chemins de fer d'Alsace et Lorraine.
Né au mauvais moment au mauvais endroit, tu reçois ton ordre de mobilisation le 11 août 1943, pour être incorporé de force dans la Wehrmacht comme toutes les jeunes Mosellans et Alsaciens.
Plus de 103 000 Alsaciens et 31 000 Mosellans se retrouvèrent ainsi incorporés de force. La plupart de ces "Malgré Nous" furent affectés dans la Wehrmacht, mais de nombreuses classes furent versées d'autorité dans la Waffen-SS dont les divisions comptaient de nombreuses pertes lors des combats.
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Le monument aux Malgré-Nous à Sarreguemines (57) |
Très vite, tu décides de ne pas y répondre et de passer des territoires annexés en zone occupée.
Pas question pour toi d'être enrôlé et de porter l'uniforme allemand ! Tu es né français, tu te sens bien français de cœur et d'âme ! Relativement hâbleur, tu ne doutes pas un instant que ton choix est le meilleur !
Source Wikipédia |
Tu prends alors le train de Sarrebourg jusqu'à la gare de Nouvel-Avricourt, désormais frontière avec la Meurthe-et-Moselle.
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La gare de Sarrebourg en 1938 |
Malheureusement, le passeur tant attendu ne s'y trouve pas...
Que faire ? impossible de retourner en arrière au risque d'être arrêté...
J'imagine ton désarroi et en même temps, cette poussée d'adrénaline qui t'incite à ne pas flancher.
Livré à toi-même, tu passes à travers champs en direction d'Emberménil (Meurthe-et-Moselle), à une dizaine de kilomètres.
C'est là que tu es arrêté, le 12 août 1943, par deux membres de la Gestapo en civil circulant en voiture.
Incarcéré à SARREBOURG (Moselle) du 13 au 27 août 1943, tu es ensuite transféré à la prison de SARREGUEMINES (Moselle).
Tu es ensuite interné à METZ (Moselle) puis le 08 décembre 1943, tu es déporté vers le camp de concentration de Natzweiler-Struthof en Alsace (Bas-Rhin actuel), sous le matricule 6476, comme Lorrain réfractaire à la Wehrmacht.
Situé à 60 km de Strasbourg, KL Natzweiler est le seul camp nazi situé sur le territoire français. L'hiver, le vent y est glacial, les températures oscillent entre -10° à -20° et la hauteur de neige peut atteindre 1,50 m
Source : www.struthof.fr/Ressources |
Une semaine où tu vois sans doute fumer ce sinistre four crématoire mis en service depuis le mois d'octobre 1943.
Une semaine où tu côtoies sûrement ces prisonniers politiques français, ces "Nacht und Nebel", destinés comme leur nom l'indique à disparaître dans la nuit et le brouillard. Des prisonniers qui subissent des traitements particulièrement cruels
Mi-décembre, ton transfert vers Buchenwald est acté.
Dans la nuit du 16 au 17 décembre 1943, tu arrives vers 3 heures du matin à BUCHENWALD, par le convoi parti de Compiègne et passant par Metz et Francfort.
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Entrée du Camp de Buchenwald |
De ce convoi initial de 933 hommes, 11 ont réussi à s'évader lors de la traversée de la Marne, 1 est décédé durant le transport. Sur ces 921 déportés arrivés à Buchenwald, 821 sont français.
A ton arrivée, considéré comme prisonnier politique, tu es immatriculé 38958
Ta carte de détenu mentionne que tu es affecté au bloc 63.
Ce bloc 63 faisait partie du "petit camp", zone de quarantaine aménagée au nord du camp des prisonniers par les SS fin 1942. Il était séparé du reste du camp par des barbelés. Les déportés en provenance de tous les pays occupés par l'Allemagne y restaient quelques semaines avant d'être envoyés dans des camps extérieurs.
Dès le 21 décembre 1943, tu arrives au Kommando de Dora.
La tâche de ce Kommando consiste à transformer un stockage souterrain en usine moderne pour la production des fusées V1 et V2 à la chaîne, ces fameuses "armes secrètes" .
Tu vis littéralement l'enfer sur terre à DORA, dont le nom bien loin d'être le doux nom d'une femme ou d'un dessin animé, signifie "Deutsche Organisation Reichs Arbeit" - Organisation allemande du travail du Reich.
En permanence dans le tunnel, à trimer 18 heures par jour (12 heures de travail et 6 heures de formalités et de contrôles), dans une poussière qui brûle les poumons.
Pour s'aliter, des alvéoles ont été creusées sur 4 hauteurs et 120 mètres de long. Elles sont occupées en permanence, par les roulements d'équipes... impossible de vraiment dormir
Le froid et l'humidité sont intenses, l'eau suinte des parois provoquant une moiteur écœurante et permanente.
Le bruit est insoutenable : machines, marteaux-piqueurs, cloche de la locomotive, explosions continuelles dans ce tunnel clos où tout résonne en échos...
Pas de chauffage, pas de ventilation, pas de bac pour se laver, des toilettes constitués de fûts coupés par le haut sur lesquels une planche est installée et... pas d'eau potable !
Les déportés ne voient la lumière du jour qu'une fois par semaine, à l'occasion de l'appel du dimanche !
La violence des S.S. n'a pas de limites entre moqueries, barbarie, persécutions, pendaisons...
Tu survivras moins de 7 semaines dans cet enfer où les conditions de vie et de travail sont atroces et inhumaines !
Mon pauvre André, je n'arrive même pas à imaginer à quel point tu as dû souffrir !
Tu meurs officiellement le samedi 05 février 1944 d'une faiblesse cardiaque par insuffisance mitrale.
Ton corps est sous doute jeté dans un camion, entassé au milieu de tes autres compagnons d'infortune... pour finir engouffré dans le four crématoire de Buchenwald.
Sur les 60 000 prisonniers de 21 pays passés par Dora, plus de 20 000 périrent !
Sur tous les documents que j'ai pu obtenir (archives de Dora, d'Arolsen...), tu es mentionné célibataire. Pourtant, l'émouvant avis de décès familial évoque ton épouse dont je ne cite volontairement pas le nom.
Tu peux reposer en paix, ta bien-aimée a vécu longtemps puisqu'elle s'est éteinte à 98 ans fin 2020. Son époux portait le même prénom que toi et ils ont eu 5 enfants (4 petits-enfants et 2 arrière-petits-enfants).
Tu es déclaré "Mort Pour La France" et par arrêté en date du 1er avril 1998, la mention "Mort en déportation" a été apposée sur ton acte et jugement déclaratif de décès.
Tu es décoré à titre posthume de la Médaille de la Résistance française.
Ton nom figure aussi sur la plaque commémorative de la SNCF, située dans le hall de la Gare de Sarrebourg (Moselle).
Une notice t'est également consacrée dans "Le Livre des 9000 déportés de France à Mittelbau-Dora" aux éditions du Cherche Midi.
Tu vois, mon cher André, ton nom ne tombera pas dans l'oubli et je tiens aussi à honorer ta mémoire au travers de cette lettre.
Je n'ai qu'un regret : ne pas pouvoir mettre un visage sur ton nom... mais j'ai tellement le sentiment de te connaître que ce n'est finalement pas si important.
"Personne ne s'évade de Dora, sauf ceux qui partent par la cheminée..."
disaient les SS.
Mais s'ils ont voulu vous anéantir, votre souvenir ne tombera jamais dans l'oubli !
Repose en paix, très cher cousin.
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06 décembre 2020
GUILLAUME ARBOUCH - EPISODE 3 - UN MARIAGE ET QUATRE ENFANTS
Guillaume ARBOUCH et le service militaire
Comme tous les jeunes de son âge, Guillaume Arbouch était soumis à la conscription militaire l’année de ses 20 ans.
Le signalement physique de son registre matricule indique que Guillaume a les cheveux et les sourcils noirs, les yeux gris, le front étroit, le nez long, la bouche moyenne, le menton rond et le visage ovale, Il mesure 1,64 m.
01 octobre 2020
Eté 1933, j’ai 20 mois et je suis en danger...
Automne 1931
Je viens au monde sans savoir qui je suis vraiment.
Moi, Hermine, suis née un soir, début novembre 1931, à la maternité de Metz, place Sainte-Croix.
26 septembre 2020
GUILLAUME ARBOUCH - Episode 2 - Une entrée dans l'âge adulte marquée par des deuils et la guerre
Un clan familial connu par Guillaume
Guillaume Arbouch, né en 1852, connaît ses grands-parents paternels et maternels qui décèdent entre 1858 et 1864 (donc entre sa sixième et sa douzième année).
Les parents et grands-parents de Guillaume Arbouch |
L’absence de recensements pour cette époque ne permet pas de savoir s’il vit près de ses grands-parents mais tous habitent Bagnères-de-Luchon.
Ses oncles et tantes, tant paternels que maternels, sont également domiciliés à Bagnères-de-Luchon ou aux environs (Saint-Mamet…).
Sauf son homonyme, Guillaume Arbouch,
sellier de profession, qui a migré, à 27 ans, en 1838, à La Havane (Cuba) comme
l’atteste son passeport
Cet oncle paternel est toutefois décédé (« dans la maison du Sieur Fontan Bertrand ») et enterré à Bagnères-de-Luchon, en 1864. (Source : registres d’état civil de la commune de Bagnères-de-Luchon, AD31).
1870 - "L'année terrible"
1870 est une année marquante dans la vie de Guillaume Arbouch, alors âgé de 18 ans.
« L’année terrible » comme l’a nommée Victor Hugo dans son recueil de poèmes publié en 1872.
- Le 21 juin, sa sœur Marie décède à l’âge de 20 ans dans la maison de Pierre Dusastre, sise quartier du Pont de Saint-Mamet à Bagnères-de-Luchon.
Son acte de décès la mentionne sans profession et célibataire. (Source : registres d’état civil de la commune de Bagnères-de-Luchon, AD31).
Si je ne vous vois pas comme une belle femme
Marcher, vous bien porter,
Rire, et si vous semblez être une petite âme
Qui ne veut pas rester,
Je croirai qu’en ce monde où le suaire au lange
Parfois peut confiner,
Vous venez pour partir, et que vous êtes l’ange
Chargé de m’emmener. (extrait de L'Année terrible/A l'enfant malade pendant le siège)
- Le 19 juillet, en plein été caniculaire, l’Empire Français déclare la guerre au Royaume de Prusse.
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(Source : Gallica - ark:/12148/bpt6k5529865n) |
Mais Guillaume
n’est pas mobilisé car il n’a pas 21 ans.
Son frère Simon, a eu 22 ans quatre jours plus tôt. Tailleur d’habits comme son grand-père paternel dont il porte aussi le prénom, Simon n’a vraisemblablement pas été appelé.
Son registre matricule indique que le Conseil de Révision l’a exempté pour goitre volumineux.
(Source : registres matricules, AD31).
- Le 04 septembre, après la défaite de Sedan et la capitulation de l’Empereur Napoléon III, le Second Empire se termine et la République Française est proclamée (Troisième République).
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Affiche du 4 septembre 1870 relative à la proclamation, à Paris, de la IIIe République. (Bibliothèque nationale de France, Paris.) |
- Le 21 septembre, le père de Guillaume, Pierre Arbouch, carrier, décède à l’âge de 50 ans, dans la maison Dusastre, sise quartier du Pont de Saint-Mamet, à Bagnères-de-Luchon.
Quelles sont les causes du décès de sa sœur et de son père, morts à 3 mois d’intervalle jour pour jour ?
Je n’ai aucune information à ce sujet et ne peux qu’émettre des hypothèses…
Certes l’été 1870 est caniculaire avec 38°C à Toulouse.
Mais surtout, une épidémie de variole sévit en France et elle s’est étendue à tout le territoire (4200 morts à Paris entre décembre 1869 et juillet 1870). Toulouse a également été touchée.
(Source : Jorland Gérard, « La variole et la guerre de 1870 »)
Guilhaumette, la mère de Guillaume se retrouve veuve à 49 ans.
Elle ne se remariera pas et mourra en 1913, à l’âge de 92 ans.
Jeanne, la soeur de Guillaume, a 16 ans et leur petit frère Pierre-Jean à peine 8 ans.
Après le mariage de son frère Simon, en novembre 1871, Guillaume Arbouch devient soutien de famille.
Un métier "crève-corps" : scieur de long
En 1872, à 20 ans, Guillaume Arbouch est scieur de long.
Le vieux dicton : « Les scieurs de long ne vont pas en enfer, car ils l'ont vécu sur terre » révèle à quel point ce métier est dur.
Etre scieur de long, c’est débiter des grumes de bois dans le sens du fil pour en sortir des planches, plateaux, poutres, voliges, chevrons, limonières pour charrons et traverses de chemin de fer….
L’outillage est composé de scies, haches et d’un chevalet de bois appelé chèvre ou mouton.
Un travail d’équipe d’au moins deux hommes mais l’équipe type en compte trois :
- le chevrier, nommé aussi singe, debout en équilibre sur la bille, un pied l'un derrière l'autre, tient le mancheron d'une scie de 1,60 à 1,80 m de haut, dont le cadre à écartement variable peut atteindre 80 cm de largeur. Il est chargé de remonter la scie
- le renard (ou renardier) tire la scie vers le bas en se servant du poids de son corps
- le doleur équarrit les troncs à la hache et dirige le chantier s’il y a plusieurs équipes de scieurs.
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AD31 - S.-O. (9e série). 73. Deux scieurs de long [photographie Henri Jansou (1874-1966)] Toulouse : phototypie Labouche frères, [entre 1905 et 1925] |
Un métier rude, « crève-corps » exercé pendant douze à seize heures par jour, dehors, par tous les temps avec des risques : équilibre précaire pour le chevrier, les yeux continuellement agressés par la poussière de bois pour le renard malgré son chapeau de feutre à larges bords.
Guillaume exerce ce métier durant toute sa vie active.
Le recensement de 1901 mentionne qu’il est au chômage (situation d'un salarié
travaillant en temps normal pour un employeur et qui se trouve momentanément
sans «ouvrage» - sans emploi - en raison des difficultés économiques
rencontrées par son employeur). Guillaume est alors âgé de
49 ans.
Guillaume
devient ensuite patron comme
le soulignent les recensements de 1906 et 1911.
Le recensement de 1921 indique qu'il est encore scieur de long. Guillaume a alors 69 ans.
(Sources : recensements de la commune de Bagnères-de-Luchon, AD31)
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Mon coup de coeur
Eté 1933, j’ai 20 mois et je suis en danger...
Automne 1931 Je viens au monde sans savoir qui je suis vraiment. Moi, Hermine , suis née un soir, début novembre 1931, à la materni...
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