29 août 2021

Le serment de la Matrone - Anne COESEUR en 1771 à Bidestroff

Pour moi, une matrone était en quelque sorte, une "maîtresse femme", femme mûre, mère et à fort caractère... 

Trouver le serment de "matronat" d'une ancêtre maternelle dans les actes paroissiaux du XXVIIIème siècle en Lorraine m'a alors interpellée.

 

 MATRONE ? oui mais encore ?

 Du latin matrona (« dame », « épouse »), qui dérive de mater (« mère »).

La recherche du mot "Matrone" renvoie les définitions suivantes :

  1. Dans l'Antiquité, à Rome, dame, femme mariée ;
  2. Par extension, femme d'âge mûr, expérimentée, sage, d'aspect digne et respectable, généralement mère de famille ;
  3. Au sens péjoratif, femme d'un certain âge, grosse, souvent laide et d'allure vulgaire.
  4. Entremetteuse, tenancière de maison close 
  5. Vieilli, femme qui pratique les accouchements, sage-femme

 

La MATRONE était donc une sage-femme ?

Effectivement, la matrone assistait les femmes lors de leur accouchement.

Mais leur rôle était aussi (voire surtout) religieux car à l'époque, mourir sans être baptisé dans la foi chrétienne empêchait d'une part, d'être enterré dans le cimetière et d'autre part, condamnait la survie de l'âme.

La matrone avait donc pour mission, en cas d'accouchement difficile ou de risque de décès de l'enfant, d'ondoyer coûte que coûte ce dernier. 

Dans les registres paroissiaux, on trouve donc des actes où l'enfant est baptisé sur une main, un bras, un pied, au lieu de l'habituel ondoiement sur le front.

Lire, pour exemple, 1716 - Enfant baptisé dans le ventre de sa mère 

Ainsi, en cas de décès, l'enfant, devenu membre de l'Eglise Catholique, et dont l'âme était lavé du pêché originel, pouvait aller directement au Paradis tandis que son petit corps pouvait être inhumé en terre bénite.

 

Comment devenait-on Matrone dans les années 1700 en Lorraine ?

La matrone était une femme que rien ne prédestinait à assumer cette fonction, hormis le fait d'être elle-même mère.

Dans l’ordonnance du 28 mars 1708, portant règlement pour la médecine et la pharmacie, qui comprenait 37 articles, l’article XXV fait pour la première fois en Lorraine, obligation pour les sages-femmes de passer un examen. A l’exemple de la France, la Lorraine réglementait ainsi la profession de sage-femme. Le 22 juin 1708, un arrêt de la cour réglait définitivement l’élection des sages-femmes « élection qui devait se faire à la pluralité des voix des femmes de la paroisse », après examen de la future sage-femme par un médecin, gratuitement et sans frais. (source : hal.univ-lorraine.fr - La vie à l'école de Sages-femmes de Nancy : des temps anciens à 2008 - Laure Abensur)
C'étaient donc les femmes de la paroisse qui élisaient leur matrone et celle-ci, prêtait alors serment ordinaire et ce "matronat" était inscrit dans les registres paroissiaux.

 

Entre 1663 et 1792, à Bidestroff (Moselle), 3 matrones figurent dans les registres paroissiaux

 

Les deux actes de 1738 et 1757 concernent l'élection de la matrone tandis que celui de mon ancêtre en 1771 transcrit le serment de la matrone déjà élue à la pluralité des voix des femmes de la paroisse.

 

Le serment d'Anne COESEUR

Anne COESEUR est mon ancêtre maternelle à la 8ème génération (sosa 211).

Fille de Dominique et d'Eve CORINGER, Anne COESEUR est née le 06 septembre 1699 à Rodalbe.  

Elle a eu 10 enfants de son union avec Jean FRICHE dont Marie Gabrielle Anne (1740-1805), mon ascendante. Son mari est décédé le 12 février 1768.

Le 16 juin 1771, Anne COESEUR est élue matrone à la pluralité des voix des femmes de Bidestroff.

Le dimanche 23 juin 1771, Anne COESEUR prête serment devant Monsieur le curé de Bidestroff, en ces termes :

" Je Anne Coeseur femme de défunt Jean

Friche laboureur promet a Dieu, le createur

tout puissant et à vous Monsieur mon pasteur

de vivre et mourir en la foy de l’église

catholique apostolique et Romaine, et

que je macquitteray avec le plus de fidélité

et de diligence qu’il me sera possible

de la charge que jentreprends d’assister de

nuit et de jour les femmes pauvres et

riches, dans leurs couches, que j’apporterai

tous mes soins pour empecher qu’il n’arrive

aucun accident a la mere ny a l’enfant

je declare avoir este elue a la pluralité

des voix par les femmes de Bidestrof le seize

du mois de juin de l’an mil sept cent soixante

et onze et a preste son serment le dimanche

vingt trois du dudit mois de l’an elle a fait sa

marque n’ayant lusage d’écrire " 

 

 

AD57 – BIDESTROFF - 9NUM/84ED1E5 – BMS - 1770-1783 – img 9


 

La première intervention de mon ancêtre dans le registre de Bidestroff

 Dans les registres paroissiaux de Bidestroff, le premier acte faisant référence à l'intervention de mon ancêtre est daté du 10 janvier 1772.

 

AD57 – BIDESTROFF - 9NUM/84ED1E5 – BMS - 1770-1783 – img 14


 

Lenfant de joseph Romain né

Le dix janvier mille sept soixante et douze

baptisé par la sage femme en presence de

plusieurs autres est mort entre ses mains il

a esté enterré le soir en presence de son pere

 

 

J'ignore la durée du matronat d'Anne COESEUR.

Elle est décédée le 06 février 1790, à Dieuze (Moselle), à l'âge de 90 ans.

 


 

 

 

 

 

01 juillet 2021

Sosa 59 (1797-1856) - Je m'appelle Marguerite EMEL et je suis d'Hazembourg

Focus sur mon sosa 59, pour participer à l'idée que j'avais suggérée sur le groupe Facebook Généalogie Nord-Pas-de-Calais (évoquer nos sosas 59 et 62, par rapport à la numérotation départementale).

Marguerite EMEL n'est pas originaire du Nord mais d'Hazembourg en Moselle.

Elle est ma quadrisaïeule maternelle.

Mais laissons-la conter son histoire...


Je m'appelle Marguerite EMEL et je suis d'Hazembourg

Je suis née le 28 février 1797 à Hazembourg, dans ce tout jeune département de la Moselle, créé le 04 mars 1790, suite à la Révolution française.
Le 22 décembre 1789, les députés de l’Assemblée se mettent d’accord sur une nouvelle division du Royaume de France. C'est la naissance des départements. Chacun d'entre eux est découpé en districts, eux-mêmes découpés en cantons. Ce décret est adopté le 22 décembre, mais il faudra ensuite attendre deux mois, pour que le nombre définitif de départements soit fixé à 83. Les noms donnés à ceux-ci s'inspirent des éléments naturels : fleuve, cours d’eau, montagne…
Carte de la Moselle, entre 1790 et 1793, peu après sa création - Source wikimedia commons

HAZEMBOURG, vous connaissez ? Non ?
C'est un petit village situé à 10 km de SARRALBE, canton dont il fait partie depuis 1790.
  
  • Allez, un peu d'histoire, ça vous dit ? juste pour situer un peu.
Au Moyen-Age, Hazembourg dépendait de la seigneurie du Guéblange, réunie à la châtellerie d'Albestroff vers 1380.
En 1538 et 1598, le village se nomme Hassombourg.
Hazembourg a grandement souffert de la Guerre de Trente Ans (1618-1648) comme l'atteste un document de 1637 qui stipule "À Überkinger, Wentzwiller, Steinbach, Schweix, Altwiller, Hazembourg et Kirviller ne réside personne depuis un an, les villages étant abandonnés."
Mais la vie revient et le nom du village fluctue : Hayembourg en 1664, Hasembourg en 1703 (voir carte ci-dessous), Hassembourg en 1755, Hazembourg en 1756, Hasenbourg en 1793...


  • Mais alors, quand est-ce que les "EMEL" sont arrivés à Hazembourg ?
La famille EMEL s'installe au Val-de-Guéblange (à environ 3 km d'Hazembourg) entre 1696 et 1701.
  • Comment le sais-je ?

 

Mon arrière-grand-père (donc ton septaïeul, si tu veux te faire mousser un peu), Pierre EMEL (1666-1739) était marié, en première noce, avec Marguerite BAURINE, décédée le 14 juillet 1701 au Val-de-Guéblange. Mais un de leurs enfants, Jean-François EMEL, est né le 03 juin 1696 à Homburg (dans "ton" Allemagne actuelle).
 
Donc, tu peux penser qu'ils sont venus en Lorraine, après la Paix de Ryswick... cela est cohérent...

Mais moi, je suis une descendante de son second mariage, avec Anne-Marie MULLER.


Je suis la 5ème enfant d'une fratrie de 11 

A ma naissance, mon père, Pierre EMEL, a 39 ans et ma mère, Christine FIDER, en a 29.
  •  Quel est alors le métier de mon père ?

Il est tonnelier, un métier utile à de nombreuses corporations : drapiers, tanneurs, porteurs d'eau, bouchers et, bien entendu, vignerons. Il fabrique baquets, bailles, baignoires, barattes, barils, barillets, cuveaux, seaux, seillons, hottes et bien sûr tonneaux.

Il est maire d'Hazembourg en 1804 et 1811.

  • Que puis-je te dire au sujet de ma mère ?
    
Christine FIDER
(1767-1840), est née à Steinbach (tu sais, c'est l'un des 5 cinq villages qui composent Le-Val-de-Guéblange)
Mais elle est une descendante d'immigrants belges et picards, venus repeupler la Lorraine exsangue après la Guerre de Trente Ans.
Je t'entends et oui, tu as raison, la Lorraine est terre d'accueil et de brassage des populations !

  • Depuis quand mes parents sont-ils mariés ?
A ma naissance, mes parents sont mariés depuis près de 10 ans (ils ont reçu la bénédiction nuptiale le 22 mai 1787 à Hazembourg). 
 
Ma mère tombe aussitôt enceinte puisque leur premier enfant naît 9 mois plus tard, le 29 février 1788 et meurt malheureusement deux semaines plus tard. C'était une fille, une petite Marguerite (oui, je sais... je suis née un 28 février et porte le même prénom... je suis donc "l'enfant de remplacement" comme tu dis en psychogénéalogie...).
 
Naissent ensuite, avant moi :
  • Jean Pierre, le 04 septembre 1789
  • Jean, le 05 février 1792 (décédé à 19 mois, le 08/09/1793)
  • Anne Marie, le 26 juin 1794

Puis viendront, après moi, 2 sœurs et 4 frères :

  • Georges, le 29 juillet 1799
  • Catherine, le 31 octobre 1801
  • Marguerite, le 03 janvier 1804
  • Jean Michel, le 27 novembre 1805 (décédé à 8 ans, le 19 octobre 1814)
  • Jean, le 08 septembre 1807 (décédé à 15 mois, le 05 décembre 1808)
  • Jean Pierre, le 08 janvier 1811

 Je me marie 3 mois, jour pour jour, après le décès de mon frère Jean Michel

Le jeudi 19 janvier 1815, j'épouse, à l'âge de 17 ans et 10 mois, Pierre CLEMENT, de 8 ans mon aîné.
 
A cette date, Hazembourg est rattaché à la paroisse de Kirviller car aucun prêtre n'est présent dans le village.
Le 10 avril 1810, mon père, Pierre EMEL, alors maire, est signataire, avec 5 autres habitants, d'une lettre de mécontentement auprès de l'évêque de Metz à ce sujet. Kirviller se trouve à une grande lieue, et même cinq quarts de lieue.  Il faut traverser un bois par un mauvais chemin et c'est dangereux. A défaut d'avoir un prêtre, un rattachement à Kingeren (Kappelkinger) serait plus approprié de par la distance et le chemin aisé pour y arriver.
Hélas, les habitants n'obtinrent pas gain de cause. (source : AD57 -29 J 731)

  • Qui est mon époux ?
Pierre CLEMENT est né, juste avant la Révolution française, le 28 janvier 1789 à Audviller. Il est le 8ème enfant d'une fratrie de 11.
Son père, Jacques CLEMENT, décédé à 58 ans, le 14 avril 1806, était maître tailleur d'habits.
Sa mère, Christine HEYMES, a 59 ans à notre mariage.

Pierre est menuisier (tu peux effectivement penser qu'il connaissait mon père, tous les deux étant dans le métier du bois, comme on dit...)

Entre l'âge de 18 et 39 ans, je mets au monde 9 enfants


  1. Anne Marie dite Marie Anne naît 10 mois après le mariage, le 14 novembre 1815
  2. Jean Michel, le premier garçon, se présente le 1er juillet 1818
  3. Pierre, notre second fils, arrive le 10 août 1820
  4. Georges, né le 05 janvier 1823, ne vit que 5 mois et rend son âme à Dieu, le 13 juin
  5. Nicolas voit le jour le 04 avril 1824
  6. Jacob (Jacques) naît le 08 janvier 1827 (il sera emporté par la fièvre typhoïde à l'hôpital de Grenoble, le 30 octobre 1852. Il était premier servant à la 5e batterie du 5e Régiment d'artillerie).
  7. Jean vient au monde le 27 juin 1829  (il optera pour la nationalité française en 1872)
  8. Madeleine, seconde fille (et ton ancêtre directe), apparaît le 19 août 1831
  9. Jean Pierre, le petit dernier, est mon cadeau d'anniversaire, le 28 février 1836 (j'ai la douleur de le perdre, à 3 ans, le 25 avril 1839)


La religion ou plutôt les curés sont au cœur de notre vie rurale

  • Le 24 janvier 1819, Hazembourg n'a toujours pas de curé et les habitants adressent un nouveau courrier au Vicaire général.
Les enfants d'Hazembourg restent sans instruction. Ils sont tellement délaissés que même quand, de temps en temps, ils se trouvent dans une autre église pendant l'instruction, ils sont fourrés dans un coin.
Si la paroisse doit rester attachée à Kirviller, nous dirons adieu à la religion !

  • Hazembourg obtient gain de cause et un curé est enfin attaché à la paroisse d'Hazembourg
  • Mais l'abbé HEMES, vicaire nommé en 1826, sème la désunion et trouble notre paix, incitant Nicolas STENGEL, maire, à rédiger un courrier, le 13 août 1827, à l'évêque du diocèse de Metz (AD 57 -29 J 731)
...ce jeune prêtre, on ne sait par quel caprice, se permet de molester et même d'insulter publiquement ceux qui ont le malheur de lui déplaire ; les dimanches, oubliant la sainteté de son ministère et le texte de son discours par une digression honteuse, il passe aux injures les plus grossières et les plus offensantes et cela, avec si peu de retenue et de ménagement qu'on s'aperçoit que c'est à regret qu'il s'abstient de nommer les personnes qu'il s'était proposer de molester...
  • Les propos de ce curé sont si choquants qu'une vingtaine de paroissiens n'ont pas fait leurs Pâques et que plusieurs personnes ne vont plus à la messe. Toi qui vis à une époque où toute forme de discrimination peut être condammnée, ton sang n'aurait fait qu'un tour, comme on dit, en entendant de telles déclarations
Monsieur le Curé a dit un dimanche qu'une femme qui est maîtresse à la maison, c'est une honte. Il a ajouté que dans un ménage où la femme porte la culotte, le diable est assis sur la crémaille de la cheminée...

  • Une autre fois, il indique
qu'il avait vu une vache sur une voiture à foins, et une vieille peau à côté d'elle, mais que c'était une vache à deux jambes. Monsieur le Curé parlait d'une fille qui déchargeait du foin avec sa mère, dans la grange

  • Ce comportement alimente les conversations et le maire supplie que ce curé soit remplacé par un digne prêtre qui soit plus modéré.


Je mène une vie simple

Si tes recherches n'ont pas mis en évidence d'événements particuliers à mon sujet, c'est que je mène une vie simple, rythmée par les aléas des saisons.

En 1847, lorsque notre fils Jean-Michel se marie, Pierre, âgé de 58 ans, est alors cultivateur.
Je suis mentionnée "sans profession" mais, comme tu peux t'en douter, je suis loin d'être inactive.

Je ne verrai pas le mariage de ton arrière-arrière grand-mère

Je m'éteins quelques jours avant mon 59ème anniversaire, le 17 février 1856.
Pierre me survivra, 7 ans et 4 mois et me rejoindra le 17 juin 1863.

Ma fille Madeleine (ton arrière-arrière grand-mère maternelle) se mariera le 28 octobre 1857 avec Eugène Nicolas Désiré SCHEIDECKER

Mais ça, c'est une autre histoire et la mienne s'arrête là en ce qui concerne ma vie terrestre.
Si tu dois retenir autre chose de mon passage, arrête-toi juste sur mes initiales : M.E.
Voilà le sens de la vie : AIME !





 


27 mai 2021

27 MAI - AUGUSTIN

Augustin, dont le patronyme LABORDE, aurait logiquement dû être le mien...



24 mai 2021

Rancoeur, rixes et meurtre en Vallée du Larboust en 1547

  

Nous sommes en l'an de grâce 1547, plus précisément le 1er mai.

Henri II - Source : Wikimedia Commons


François 1er, Roi de France, a rendu son âme à Dieu le 31 mars précédent, laissant le trône à son second fils, Henri II.

La France compte 17 millions d'individus (source : Contexte France - Thierry SABOT).

 

 

L'histoire se passe dans les Pyrénées, à Cazeaux-de-Larboust, dans la vallée du Larbouts.

        

Un capitaine animé de funestes intentions

Guillaume de Bossost, mon ancêtre à la 14ème génération, côté grand-mère paternelle, (ou bien son fils), a voulu marier sa nièce, Anne de Aucuson à Bertrand de Garus, le cousin germain de Jehan Sacaze, sans le consentement de la famille. 

Guillaume de Bossost IIIème du nom, Seigneur de Campels et de la vallée d'Oueil, de Billère (ou son fils, IVème du nom, qui se marie le 10 mai 1552) est le descendant du Noble et Puissant Seigneur Adhémar de Bossost. Un mémoire dit que cette Famille ne peut être qu'un rameau de la Maison d'Espagne, des anciens Vicomtes de Couserans et Comtes de Paillas. (Source : Dictionnaire de la Noblesse, contenant les généalogies, l'histoire et la chronologie des familles nobles de France - De François-Alexandre Aubert de la Chesnaye des Bois - page 679)

Jehan Sacaze ainsi que toute la famille s'y sont opposés et Guillaume de Bossost, Capitaine de la Vallée du Larboust, en a gardé une rancœur qui s'est transformée en haine.

 Jehan Sacaze est certainement de la famille Sacaze, de Castillon-de-Larboust (de laquelle descend Julien Sacaze, le célèbre épigraphiste du 19ème siècle, fondateur de la Société des études du Comminges et de la Revue de Comminges).

Et ce jour-là, lorsqu'il aperçoit les frères Guillaume et Bertrand Sacaze, cousins germains de Jehan, son sang ne fait qu'un tour et il se jette sur eux, l'épée à la main.

D'un tempérament aussi vif que l'air des Pyrénées, le féroce Capitaine Guillaume de Bossost blesse sérieusement les frères Sacaze, à plusieurs endroits du corps !

Au cours de la querelle, survient Jehan Darbouch qui, loin d'apaiser la situation, souffle sur les braises en criant "allons capitaine les achever de tuer".

Jehan Darbouch est très certainement un de mes ascendants, direct ou collatéral, de par son nom et la localisation de l'évènement. Dans l'acte original, il est écrit Jehan Darbouch mais aussi Arbouch. Cependant, l'état actuel de mes recherches ne me permet pas de le rattacher à Simon, né au début des années 1600, le plus ancien Arbouch de mon arbre généalogique.

 Grâce à la présence de tierces personnes, les frères Sacaze ne sont pas massacrés.

 

La querelle s'envenime

Le lendemain, 02 mai 1547, Jehan Sacaze, ainsi que Pierre Sacaze, Pierre Cousin, Jourdain de Mieul et Saules de Garris, se rendent à Cazeaux pour emprunter quelques armes afin de pouvoir défendre leurs vies.

Armé d'une arbalète bandée, le trait dessus, Jehan Sacaze est avec ses amis, armés d'épées, de rondelles, de javelines, devant la maison du cordonnier Nicolas Arnauld Durand

Arbalète - Source : Dictionnaire Larousse de 1905

 

Javeline - Source : Dictionnaire Larousse de 1905


Arrivent des familiers de Guillaume de Bossost, à savoir Jehan Darbouch, Estienne de Bordères, bailli de la Vallée du Larboust, armés d'épées et de rondelles et Ramond du Pont dit Ponthillon, avec son arbalète bandée d'un trait.

Entre Pierre de Sacaze et Jehan Darbouch, la discussion s'engage aussitôt au sujet du mariage et de l'agression de la veille. Chacun défend son point de vue et n'en démord pas.

Le ton monte rapidement tant et si bien que Pierre de Sacaze lance sa javeline sur Jehan Darbouch et le touche de la pointe au genou ou la cuisse. Ce dernier lui tire alors un pic de son épée.

Pierre Sacaze blesse Jehan Darbouch au pouce, Marc Daure jette plusieurs pierres pour défendre Jehan Sacaze et ses compagnons, Jourdain de Mieul tire plusieurs coups d'épée sans blesser personne.

Soudain, Ramond du Pont dit Ponthillon tire un trait d'arbalète vers la tête de Jehan Sacaze, manquant de le tuer. Pris de colère, celui-ci riposte et son trait d'arbalète touche Ponthillon à la cuisse ou à la hanche. 

 

L'irréparable est commis

Plus tard, le dit Ponthillon et Jehan Darbouch se trouvant entre Cazeaux-de-Larboust et Castillon-du-Larboust, sont avertis que plusieurs personnes armées viennent pour les tuer. Ils ne veulent toutefois pas faire demi-tour...

C'est alors que Sébastien de Peiroulan, Vinhaulx Sacommo, Messire Raymond Sacome et plusieurs autres en groupe, armés d'épées, javelines et rondelles tombent sur Ponthillon et lui donnent plusieurs coups de pieds à la tête, aux bras et aux jambes. Jehan Sacaze est absent.

Ramond du Pont est tellement blessé qu'il se réfugie dans la maison de Nicolas Arnauld, aubergiste, où il décède très vite, sans pouvoir se confesser, ni recevoir l'extrême onction.

 

Enquête et arrestation de Jehan Sacaze

Une enquête du juge de Rivière est déclenchée (Cazaux fait partie du Pays et Jugerie de Rivière-Verdun et le Juge de Rivière siège à Montréjeau).

Le pays de Rivière-Verdun, appelé Jugerie de Rivière-Verdun (R.V.), est un petit pays d'élection de l'est de la Gascogne, appuyé à la rive gauche de la Garonne dans les départements français de la Haute-Garonne, de Tarn-et-Garonne, du Gers et des Hautes-Pyrénées.

Le juge ou son lieutenant ordonne l'arrestation de Jehan Sacaze et de ses partisans mais ceux-ci sont en fuite, en groupe et armés par crainte de leurs ennemis. 

Jehan Sacaze est emprisonné à la prison du Larboust puis dans celle de la Salle Neuve à Toulouse.

 

 Le château Narbonnais de Toulouse est l'ancien château médiéval des comtes de Toulouse. Il était situé à l'emplacement de l'actuel palais de justice de Toulouse à l'angle des allées Jules Guesde et de la place du Parlement, près de la place du Salin. Un édifice de la Salle neuve abrite alors la salle basse des détenus dépendant de la justice du sénéchal. 

 

Un pauvre homme condamné à mort

Entendu et interrogé sur les événements, Jehan Sacaze, pauvre homme ayant femme et enfants à charge, est condamné à mort par le Sénéchal de Toulouse.

Jehan fait appel auprès du parlement pour un recours en grâce auprès du roi. 

 

Grâce et pardon par le Roi Henri II

En 1552, Jehan Sacaze se voit accorder grâce et pardon par le Roi, attendu que ce cas est arrivé "sans le vouloir, mais par colère et crainte d'être tué". Le Roi intime au parlement de Toulouse de cesser toutes poursuites contre Jehan Sacaze.

Une lettre de rémission est un acte de la chancellerie par lequel le roi octroie son pardon à la suite d'un crime ou d'un délit, arrêtant ainsi le cours ordinaire de la justice, qu'elle soit royale, seigneuriale, urbaine ou ecclésiastique, au moyen d'une lettre patente. La rémission est un acte de pardon, de grâce ou d'indulgence, accordé par le roi. La rémission décharge le coupable de la peine qu'il avait encourue. Ce n'est pas une amnistie. Le délit existe toujours, mais il est interdit d'y faire référence, d'exiger une réparation ou autre.

 

Références et remerciements

Le document original est conservé aux Archives Nationales et est évoqué dans le Livre "La Gascogne dans les registres du Trésor des chartes" par Charles Samaran en 1966, page 229.



 

 

Le contenu et la transcription effectuée par Alain d'Haene, Président de l'Antenne de l'Entraide Généalogique du Midi Toulousain de Bagnères-de-Luchon, ont été diffusés dans la Lettre des Amis n° 277 de mars-avril 2016.

Je me suis largement inspirée de ces travaux pour écrire cet article et les en remercie.